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IA : ennemi ou allié de l’inclusion numérique ?

L’IA suscite aujourd’hui à la fois des inquiétudes et de l’espoir quant à son impact sur l’inclusion numérique

Comment les innovations en termes d’intelligence artificielle agissent sur l’inclusion numérique

L'évolution rapide de l'intelligence artificielle (IA) ces dernières années a suscité des avancées majeures dans divers domaines. Il a aussi généré récemment des débats intarissables avec l’apparition de ChatGPT, MidJourney, Firefly... Ces innovations ont déjà commencé à transformer la façon dont nous interagissons avec les technologies et vont façonner un nouveau chapitre de nos usages du numérique. Cependant, cette transformation n’est pas nécessairement bénéfique pour tous.  

Au-delà des questionnements légitimes en termes de protection des données, de droits d’auteur ou d’empreinte environnementale, l’IA est aussi un obstacle potentiel à l’inclusion numérique. Pourtant, les intelligences artificielles savent se révéler efficaces en termes d’accessibilité. Alors, quelle approche aborder pour que ces innovations soient utiles à bon escient ? Pour répondre à cette question, il faut avant toute chose comprendre quels sont les impacts, positifs comme néfastes, de l’IA.  

La fracture numérique : une réalité pour 15% de la population française

Aujourd’hui, le numérique relève du besoin vital : il est nécessaire pour avoir accès aux sites gouvernementaux, aux démarches de services publics, à des ressources éducationnelles, mais il est aussi essentiel pour être inclus socialement. Pourtant, environ 15% de la population française se trouve dans une situation d'exclusion numérique, et 17% en situation d’illectronisme. Cela s’explique d’abord par une dimension territoriale, près de la moitié des individus non connectés résident dans des zones rurales. Pour certaines personnes à faibles revenus, les frais liés à l'achat d'équipements, à l'abonnement Internet et aux coûts de communication peuvent également être excessifs.  De plus, il existe une disparité générationnelle frappante, avec plus de 50% des personnes âgées de plus de 75 ans n'ayant pas accès à Internet depuis leur domicile, tandis que seulement 2% des jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont pas équipés.  

Côté face : processus facilités et parcours adaptés

D'un côté, les avancées de l'intelligence artificielle (IA) ouvrent des perspectives prometteuses pour renforcer l'inclusion numérique. Les algorithmes d'apprentissage dits “adaptatifs” ont le potentiel d'être des outils puissants pour identifier et comprendre les besoins des populations marginalisées, permettant ainsi le développement de solutions personnalisées adaptées à leurs besoins spécifiques. L’interaction vocale représente également une solution pertinente pour surmonter les obstacles liés à la lecture et à l'écriture sur des terminaux numériques pour les personnes en situation de handicap. 

De plus, en simplifiant et en accélérant des processus complexes, l'IA permet une meilleure accessibilité aux technologies numériques. L'automatisation des procédures administratives peut par exemple faciliter les démarches en ligne pour les personnes situées dans des zones rurales excentrées et/ou en situation d’illectronisme.  

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Côté pile : biais des algorithmes et influence

Cependant, l'utilisation de l'IA peut également exacerber les inégalités numériques déjà existantes. Les algorithmes ont un impact significatif sur l'environnement numérique dans lequel les individus évoluent en influençant notamment leur comportement en ligne. Cela se manifeste notamment à travers les recommandations de contenus et les publicités ciblées. Dans ce contexte, seuls les utilisateurs possédant un niveau d'alerte et de maîtrise suffisant peuvent préserver leur libre arbitre et comprendre pleinement leur environnement numérique. 

Autre problématique émergente : celle des discriminations générées par les IA. De manière involontaire, un algorithme étant basé sur des données biaisées d’origine humaine, peut prendre des décisions discriminatoires liées au genre, à la situation financière ou à l’origine ethnique. L’utilisation des IA par une entreprise lors de processus de recrutement ou par des autorités publiques lors de profilage criminel pourrait donc s’avérer dramatique.  

"Les algorithmes bien développés et testés peuvent apporter beaucoup d’améliorations. Toutefois, sans contrôles appropriés, les développeurs et les utilisateurs courent un risque élevé d’avoir un impact négatif sur la vie des gens" Michael O’Flaherty, directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne (FRA)  

L’urgence d’une réglementation claire pour éviter les dérives de l’IA en termes d’inclusion numérique 

Il est crucial d'aborder l'intelligence artificielle dans toute sa complexité, en tenant compte à la fois des opportunités et des risques qu'elle engendre. Ne se concentrer que sur les avantages de cette technologie revient à négliger les éventuelles conséquences néfastes sur nos sociétés. Comme toute avancée technologique majeure, l’utilisation généralisée de l'IA pourrait accentuer les disparités entre les individus et aggraver l’exclusion numérique préexistante auprès de publics défavorisés.  

La capacité des États à élaborer une stratégie favorisant à la fois le développement technologique et une éducation numérique adéquate de leur population sur ces questions est donc déterminante. Il est aussi primordial de mettre en place des réglementations strictes pour poser les limites éthiques, sociales et légales de cette technologie. Le projet est déjà en cours dans plusieurs pays et notamment au sein de l'Union Européenne avec l’Artificial Intelligence Act. Pour les eurodéputés, le challenge est de réglementer à la bonne échelle :  

"La question de savoir comment définir correctement l'IA a été très controversée tout au long du processus d'élaboration de la loi sur l'IA. Encore une fois, si vous définissez l'IA de manière trop étroite, vous risquez de ne pas pouvoir réglementer certains dommages. Si vous la définissez de manière trop large, vous risquez d'être trop inclusif et d'étouffer l'innovation." Johann Laux, expert en réglementation de l'IA à l’Oxford Internet Institute 


Le RGPD est déjà là en France pour imposer aux entreprises la mise en place de mesures de sécurité permettant d'assurer l'intégrité des données personnelles stockées dans leurs systèmes d’information. 

Les entreprises doivent donc dès maintenant être vigilantes lors de l’exploitation des IA au sein de leurs services numériques : on ne peut raisonnablement les considérer comme une solution miracle à utiliser sans précautions. Il faut davantage les considérer comme un outil au grand potentiel qu’il convient de comprendre et de maitriser correctement pour en faire l’utilisation la plus éclairée possible. Ainsi seulement pourra-t-on s’en servir au profit, et non aux dépens, de l’inclusion et de l’accessibilité numérique.

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