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Sur les pistes de l'innovation à impact -1- Les métavers, une voie du samurai entre imaginaire et réalité

Benjamin Demonet, ingénieur d’études et Lead Dev Fullstack chez fruggr adepte du software craftsmanship et militant pour un numérique plus responsable a donné une conférence au web2day sur le métavers : “Du Cyberpunk au Virtual Samurai : peut-on passer dans le méta-univers sans glitcher la planète ?”. Nous l’avons interrogé afin d’ouvrir une piste de réflexion sur cette voie du juste milieu qu’il reste à trouver, entre imaginaire et réalité.

Benjamin, qu’est-ce que l’innovation pour toi ?

L’innovation, pour moi, c’est déjà répondre à un besoin, en identifiant le but précis de la recherche que l’on va effectuer. C’est regarder et observer notre environnement, pour savoir s’il n’y a pas des choses desquelles on pourrait s’inspirer. C’est essayer de formuler une solution et d’itérer pour être certains qu’elle réponde réellement au besoin initial... A la base de l’innovation, il y a les découvertes, qui, quant à elles, ne répondent à aucun besoin initial et ne sont ni bonnes ni mauvaises. Pour moi, l’innovation c’est la capacité à croiser les domaines de découverte comme les énergies avec la biologie. Des domaines qui ne sont pas forcément liés de prime abord, comme le fait le biomimétisme, par exemple. Je vais créer un train avec une forme aérodynamique qui, grâce à cela, ira plus vite, par exemple.

Le salon Vivatech arrive à grands pas. On y verra abordés des sujets tels que les métavers, la blockchain, l’IA... Dans ta conférence tu parles de ta vision des métavers à travers la métaphore du samouraï et du cyberpunk... Ta vision est que cette innovation est inévitable, mais qu'elle pourrait être plus responsable. Comment ?

Je pars du principe que l’Homme ne peut se satisfaire de la réalité, qu’il va toujours chercher à construire de nouvelles réalités alternatives. Platon parlait déjà de ça à l’époque, de la réalité qu’on se construit à travers nos observations (allégorie de la caverne). En fait, on se crée une réalité à partir des éléments que l’on a sous la main : soit c’est un dieu, soit un astre. Les premiers humains ayant vu la lune ont certainement pensé qu’il s’agissait d’une divinité. Depuis, nous avons posé le pied sur son sol et nous y retournerons certainement. Je pars du principe que l’être humain a toujours voulu dépasser cette réalité en créant des réalités alternatives et que cela nourrit la science-fiction et les récits collectifs. Il faut qu’on le fasse de la bonne manière, en ne laissant personne sur le bord de la route.

Qu’est-ce que l’innovation vertueuse selon toi ?

L’innovation vertueuse est une innovation qui répond à un besoin. Ce n’est pas une innovation accessoire ou de surface, ni un objet connecté de plus pour répondre à un besoin qui n’existe pas. L’innovation vertueuse doit répondre à une problématique, à une crise et aujourd’hui, toute innovation qui va à l’encontre du climat n'est, par définition, pas vertueuse.

Peut-on interdire certaines idées ?

Non. Par contre, légalement, on peut contraindre l’innovation à être transparente sur l’impact qu’elle aura sur la société, les personnes et la planète, avant qu'elle ne soit lancée sur le marché et là, on oblige à estimer, à mesurer ses impacts. C’est la transparence qui fait toute la différence. Une innovation vertueuse pour moi est par définition, une innovation dont la transparence est totale et dont la mesure d’impact est obligatoire. Elle doit idéalement être réalisée par un comité d'experts indépendants.

Est-ce que le fait d’imposer de telles contraintes ne désavantage pas l’innovation vertueuse par rapport à la liberté d’innover ?

Il n’est plus question de liberté d’innover, car aujourd’hui, l’innovation doit répondre à un réel besoin initial dans un contexte de crise. On ne peut plus supporter l’innovation sans limites. Permettre à certaines personnes de juger du sort de la planète entière. C’est une responsabilité qu’il faut faire porter à l’innovation, parce qu’elle est créatrice de richesse. A l’heure actuelle, l’innovation sans conscience n’a pas de raison d’être.

Si l’innovation n’arrive que par essai-erreur, peut-on se permettre d’interdire certaines innovations ?

On ne peut pas interdire des découvertes pour des questions éthiques ou environnementales, car la sérendipité est indispensable et on a découvert énormément de choses par accident. Il n’est pas question de l’empêcher. Si l’on prend la découverte du radium par Marie Curie, le radium a des effets négatifs, mais ce qui importe est qu'elle l'ait découvert, ce qui en soit, est une fabuleuse découverte à partir de laquelle on a pu découvrir le potentiel de l'énergie nucléaire. L'innovation est ce que l'on fait de cette découverte. Par exemple, je peux utiliser le radium pour asservir des populations ou pour produire de l’énergie. C'est dans la mesure de la finalité et de l'impact que l'on peut contraindre.

Si tu devais choisir une innovation dans toute l’histoire de l’humanité, laquelle serait ta préférée et pourquoi ?

La pile à combustible. Je la trouve intéressante, parce qu’elle existe depuis très longtemps, qu'elle a un fonctionnement très simple et qu'elle permettra beaucoup de choses à l’avenir. On ne l’exploite pas suffisamment, parce qu’on a eu l’abondance des énergies fossile et qu’on n’avait pas forcément besoin de travailler et d’avancer avec des piles à combustibles. Je trouve que c’est une innovation comme ça en tâche de fond qui pourrait changer notre vie à l’avenir. La pile à combustible est tout de même assez low tech, même si selon la technologie utilisée, on génère toujours de la pollution, mais c’est quelque chose qu’on a délaissé depuis longtemps.

Si les métavers et la pile à combustible devaient coexister dans le futur, quel lien pourrait-on imaginer entre les deux ?

Il y a un lien à faire avec la partie énergétique. Ce serait pour permettre une résilience des réseaux et de la communication, au travers de la maîtrise de l’énergie non carbonée. L’énergie non - carbonée, il faut la piloter. Surtout par fortes chaleurs, lorsqu’il sera devenu très difficile de refroidir les réacteurs nucléaires. Donc piloter l’énergie de la pile à combustible nous permettrait de pouvoir continuer de communiquer même la nuit, même quand il n’y a pas de vent, même lorsqu’il fait 50 degrés dehors et qu’on ne peut plus refroidir la centrale nucléaire.

Qu'aimerais-tu voir ressortir de Vivatech cette année ?

Vivatech, pour moi c’est un salon plutôt axé sur l’innovation accessoire. On y voit souvent des drones toujours plus performants... Moi ce que j’aimerais y voir, c’est une prise de conscience du réel impact social et environnemental des futures innovations. J’aimerais voir plus de solutions de recyclage, de réemploi, plus de reconditionné et surtout une place plus importante à la partie recyclage du lithium.

Et de la diversité ! Une place toujours plus importante pour les femmes dans la tech. J’ai vu une conférence de Rémy Maronne (Directeur de Projets Institut du Numérique Responsable / Consultant en marketing digital) récemment, qui disait que les startups étaient majoritairement créées par des hommes, qu’il y avait très peu de fondatrices et que c’est un réel problème. J’aimerais bien voir de la diversité cette année.

Auteure : Marie-Christine Aubin

Pour aller plus loin ...

Vous souhaitez voir la conférence de Benjamin “Du Cyberpunk au Virtual Samurai : peut-on passer dans le méta-univers sans glitcher la planète ?” C’est par ici ! :

👉 https://web2day.co/event/du-cyberpunk-au-virtual-samurai-peut-on-passer-dans-le-meta-univers-sans-glitcher-la-planete/

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