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Tout comprendre sur le Green Deal et la taxinomie européenne

Quelles implications pour les entreprises concernant la taxonomie européenne : classification, transition vers la finance verte...

S'aligner avec la taxonomie européenne

L’union européenne a bien entendu l’appel du GIEC et se donne des moyens pour diminuer de 50% les émissions de gaz à effet de serre en l’espace de seulement 10 ans et de les diminuer complètement d’ici 30 ans, c’est-à-dire d’ici 2050, en vertu de l’Accord de Paris. Comment compte-t-elle atteindre ces objectifs ? Déjà, en incitant le monde financier à investir massivement dans la transition écologique, ensuite, en imposant aux entreprises une méthode de classification de leurs activités. Pour cela, elle se dote de nouveaux outils. Afin de clarifier et d’améliorer la qualité de l’information aux investisseurs, elle a élaboré la Taxinomie européenne, qui constitue l’une des bases de la finance verte. Les implications pour les entreprises sont nombreuses.

Qu’est-ce que le Green Deal ou Pacte vert de l’union européenne ?

Dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe ou Green Deal (2019-2024), l'Europe veut établir une nouvelle stratégie ambitieuse de lutte et d’adaptation au réchauffement climatique, permettant d’atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050, tout en créant des emplois et en améliorant la qualité de vie. Il s’agit d’un “nouveau paradigme réglementaire”, qui vise à prévenir le « greenwashing », en assurant aux investisseurs et aux autorités de régulation le bon degré de transparence et de qualité des données extra-financières. En encadrant le secteur de la finance, elle souhaite orienter les flux de capitaux vers les activités permettant de réduire nos émissions de carbone et de contribuer à l’adaptation de l'Europe au réchauffement climatique (la finance verte). C’est en vertu de cette raison qu’elle s’est dotée d’outils de régulation de la finance, pour la verdir.

pacte vert

Quels sont les outils de régulation de la finance verte ?

Le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure)

Le 10 Mars 2021, le règlement européen dit Sustainable Finance Disclosure (SFDR) sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers est entré en application. Ce règlement a pour objectif d’harmoniser et de renforcer les obligations de transparence auprès de conseillers financiers et d’acteurs qui commercialisent certains produits financiers (tels que les labels ou les obligations vertes).

Le CSRD

La directive CSRD vient mettre à jour la réglementation NFRD, afin de préciser la qualité des informations à fournir dans la déclaration de performance extra-financière ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) des entreprises. 50 000 entreprises seront touchées dès 2023. Le lancement de la plateforme impact.gouv.fr vise à guider les entreprises pour réaliser ce reporting. Cette directive imposera aux entreprises d’inscrire des objectifs de performance extra-financière (développement durable) dans la gouvernance stratégique de l’entreprise. Cela impliquera aussi de la part des équipes dirigeantes qu’elles s’impliquent activement dans la définition, la mise en œuvre et le pilotage de cette stratégie de développement durable. Elle impliquera un degré d’engagement et de profondeur supplémentaire dans la communication auprès de toutes les parties prenantes. En outre, elle impliquera de mesurer 47 indicateurs de performance. La structuration, la pertinence et la qualité de la remontée de l’information sera l’un des enjeux de l’application de cette réglementation et pour ce faire, l’UE met en place la taxinomie européenne. Pour aller plus loin : Vous avez dit CSRD ?

Le format électronique unique européen (ESEF)

Depuis le 1er janvier 2020, les rapports annuels financiers des entreprises cotées dans l'Union Européenne sont présentés au format électronique harmonisé : l'ESEF (European Single Electronic Format). Cette directive issue de la Commission Européenne vise à harmoniser les rapports financiers annuels pour en faciliter leur lisibilité et la comparaison.

Dates à retenir :

  • 1er janvier 2022 : Première publication du taux d’alignement à la taxonomie pour les produits concernés par les articles 8 et 9 de la SFDR. Cette divulgation de l’alignement taxonomique concerne la thématique climat (atténuation et l’adaptation au changement climatique).
  • 1er janvier 2023 : Publication du taux d’alignement à de la taxonomie étendu aux 4 autres objectifs environnementaux, toujours pour les produits concernés par les articles 8 et 9 de la SFDR.

Dossier thématique de l’AMF https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/esef

Risque climatique et devoir de vigilance

Sur le plan industriel sur toute sa chaîne de valeur, désormais l’entreprise devra s’assurer que ses parties prenantes ne sont pas susceptibles d’être perturbées par une catastrophe naturelle ou climatique (inondations, sécheresses, tornades, canicules, pandémies, dégradation et appauvrissement des sols, etc.) en vertu du devoir de vigilance. Cela est pris en compte au regard du respect des droits humains et de la RSE.

Petite précision 🔍 Finance verte vs finance solidaire

Attention à ne pas confondre avec ce que l'on appelle la finance solidaire, qui est un sous-ensemble de la finance durable, correspondant à l'ensemble des mécanismes et institutions appliquant au secteur financier les principes de l'économie sociale et solidaire, dans lequel l’aspect social est prédominant. Les entreprises de ce secteur ont intégré l’impact social et sociétal dans leur gouvernance par leurs statuts orientés sur leur “mission” ou “raison d’être”.

Qu‘est-ce que la taxinomie européenne ?

Une sorte d’encyclopédie des activités économiques basé sur la science, qui répertorie et classifie toutes les activités économiques de l’Union européenne par secteur d’activité, selon leur degré contribution aux objectifs de performance Zéro émissions nettes.

Quelles sont les catégories de la taxinomie ?

Cette taxinomie se décline sous les six thématiques suivantes :

  1. L’atténuation du changement climatique
  2. L’utilisation durable et la protection de l’eau et des ressources
  3. La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes
  4. La prévention et la réduction de la pollution
  5. La transition vers une économie circulaire
  6. L’adaptation au changement climatique

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Pour que les entreprises soient éligibles à la taxinomie, il faut non seulement qu’elles proposent une activité présente dans ce référentiel, mais aussi :

  • Qu'elles ne provoquent pas de dommages collatéraux. C’est le principe du DNSH “Do No Significant Harm” (ne produit pas de dommages environnementaux et sociaux) ;
  • Qu'elles respectent les droits humains fondamentaux (par exemple, une entreprise qui fabrique des panneaux solaires ne peut être éligible que si la pollution émise par cette fabrication est maîtrisée par la récupération de déchets et de la compensation, d’une part et d’autre part, si les panneaux ne sont pas fabriqués par des travailleurs soumis à un travail forcé d’autre part).

Grâce à cette classification, l’entreprise pourra mieux communiquer sur la part la plus verte de son activité présente ou à venir, en indiquant sa part de chiffre d'affaires “vert” et ses investissements.

Elle permet l’évaluation de la durabilité de 90 activités économiques, représentant plus de 93 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union européenne, selon différents niveaux :

  • Activités qui sont déjà considérées comme bas-carbone et compatibles avec l’accord de Paris (exemple : les transports bas-carbone) ;
  • Activités qui contribuent à la transition vers une économie Zéro émissions nettes en 2050 malgré des obstacles à la fois économiques et technologiques (exemple : la rénovation de bâtiments) ;
  • Activités qui permettent le « verdissement » ou la réduction des émissions d’autres activités, telles que l’élaboration de technologies entraînant une réduction substantielle des émissions dans d’autres secteurs (exemple : usine de fabrication d’éoliennes).

Chacune de ces activités correspond à un code NACE. A terme, on aura un mode d’emploi pour chaque activité de l’union européenne.

Après examen des recommandations du rapport de la Plateforme sur la finance durable (PSF), la Commission européenne donnera son avis sur l’extension de la taxonomie actuelle à des secteurs non verts, ainsi que sur la prise en compte d’objectifs sociaux.

Qui est concerné ?

La taxonomie verte s’adresse actuellement à plus de 11 000 acteurs qui cochent ces cases :

  • Les grandes entreprises de plus 500 salariés (avec un bilan supérieur à 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros)
  • Les institutions financières : 4 types d’acteurs : les asset managers, les banques, les assureurs et les sociétés d’investissements
  • Les États membres lorsqu’ils établissent des mesures publiques, des normes ou des labels pour des produits financiers verts ou des obligations vertes (green bonds).

En 2022, les grandes entreprises de plus 500 salariés et les institutions financières doivent publier la part de leurs activités et/ou investissements éligibles à la taxonomie. A partir de 2023, les grandes entreprises devront également publier l’alignement de leurs activités à la taxonomie. Aussi, à partir du reporting de 2024 (se basant sur l’année 2023), cette taxonomie s’étendra à 50 000 acteurs, dans le cadre de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, la CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive.

Ce n’est pas tout ! Vous êtes aussi concerné par ce sujet si votre entreprise ne correspond pas à ces critères, mais qu’elle fait partie :

  • D’un grand groupe (international ou non)
  • D’un fonds d’investissement ISR au sein duquel les acteurs financiers peuvent demander des données extra-financières
  • Des fournisseur ou prestataire de l’une des entreprises éligibles

Ainsi donc, à terme, à peu près tout le monde sera concerné que ce soit directement ou indirectement.

Quels sont les risques de ne pas prendre en compte la taxinomie ?

Les avantages de respecter cette réglementation sont nombreux :

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Les entreprises qui ne s’y conforment pas souffriront à terme, de difficultés de financement, de recrutement et auront des difficultés à trouver des fournisseurs, puisque toutes les parties prenantes, en premier lieu les investisseurs, chercheront les entreprises les plus performantes financièrement et par rapport aux critères ESG. De plus, le greenwashing étant plus facilement identifiable, ne pas en tenir compte pourra porter atteinte à la réputation de l’entreprise. Novethic l’explique en prenant l’exemple de deux entreprises, Voltalia et Ecomiam, dans cette vidéo : Comprendre (facilement) les nouvelles obligations de reporting ESG pour les entreprises.

Comment préparer votre projet d’éligibilité à la taxinomie européenne ?

Toutes les activités économiques ne sont pas couvertes par la taxonomie. Une analyse d’alignement doit donc commencer par une analyse d’éligibilité (obligatoire depuis 2022). Depuis 2021 et jusqu’en 2024, les entreprises se voient accorder un temps de transition afin de se préparer à l’éligibilité à la taxinomie, pour être prêtes à répondre à un audit.

S'approprier les notions de la taxonomie européenne

Anne Jeudi de Grissac associée des services Capital Markets & Accounting Advisory et Anne Lenglet, Directrice Sustainability Reporting chez PwC, expliquent que pour beaucoup de groupes, cette période transitoire permet de comprendre les enjeux, ce qu’il faut produire, quelles sont les informations nécessaires, ce que cela implique pour la RSE et de s’approprier des notions nouvelles entre activités éligibles, et d’alignement. Il y a une marche importante à franchir.

Certaines entreprises vont plus loin en s’intéressant à la notion de contribution substantielle, pour être en mesure d’identifier toutes les notions supplémentaires à analyser l’année 2023. On est sur un nouveau règlement nouveau, imparfait et complexe. Il faut être pragmatique et transparent dans la manière dont on a été obligé de calculer, les raccourcis qu’on a dû faire, ou les jugements qu’on a dû mettre en place pour obtenir ces informations.

Les étapes pour préparer son éligibilité

Olivier Muller, Directeur département Développement durable du cabinet PwC, explique les étapes pour préparer son éligibilité.

  1. Dans un premier temps, on va regarder la liste des activités éligibles une par une, pour voir si l’entreprise est concernée par l’une d’entre elles.
  2. Si c’est le cas, il faudra récupérer les informations relatives aux revenus associés (chiffre d'affaires), aux Capex (revenus d’investissement) et aux Opex (dépenses d’exploitation)
  3. En revanche, si on n’est pas concernés par les rubriques de l’Acte délégué climat, on doit tout de même récolter des informations sur les Capex et Opex (les plans et les investissements éventuellement éligibles).

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Les investissements éligibles sont toutes les activités éligibles qui ne font pas partie directement de l’activité de l’entreprise. Par exemple, si une entreprise permet à ses salariés d’avoir une voiture électrique dans le cadre de leur activité, isole des bâtiments, installe des panneaux solaires sur ses toits ou procède à des rénovations (quelle que soit son activité), ces investissements pourront être pris en compte. Ce sont les activités qu’une entreprise met en œuvre pour réduire son impact sur le réchauffement climatique. La difficulté, c’est qu’on est souvent sur une activité qui est en partie éligible et en partie non. Par exemple, dans un contrat client, une partie est éligible et l’autre non, donc les entreprises sont obligées de faire des extrapolations et de les expliciter dans la DPEF.

Les KPI à prendre en compte

Selon Anne Lenglet, Directrice Sustainability Reporting chez PwC, même si le vocabulaire et les notions sont nouvelles, pour beaucoup des indicateurs, nous avons déjà les réponses dans la comptabilité de l’entreprise. Cependant, il y a de nouveaux KPI à prendre en compte. Le numérateur (taxinomie) est la vraie nouveauté, parce qu’on touche à la notion d’éligibilité. Et donc, on ne va mettre que ce qui est éligible. Il faut se raccrocher à la notion de chiffre d'affaires consolidé, qui correspond à notre activité. Donc il va falloir aller en maille de notre secteur d’activité à un niveau de granularité assez subtil. Il y a trois types de CAPEX concernant la durabilité :

  • Capex lié à une activité durable
  • Capex lié à un plan pour rendre une activité durable
  • Capex individuellement durable

Donc, il est possible que mon chiffre d'affaires consolidé ne soit pas éligible, mais que j’aie des Capex et des Opex éligibles.

L’Opex est le seul KPI pour lequel on peut utiliser une exemption si le dénominateur n’est pas significatif, car il n’est pas matériel. Il faut faire un état des lieux des systèmes d’information, comptables ou de gestion, disponibles à date. Ensuite, il faudra mettre en place des tableaux pour récolter de nouvelles informations.

Comment s’aligner sur la taxinomie ?

L’entreprise est qualifiée de durable, si elle respecte ces trois critères :

  • Les activités économiques éligibles des organisations et les investissements des institutions financières doivent contribuer substantiellement à au moins un des six objectifs environnementaux de la taxinomie
  • Cette contribution doit être réalisée sans porter atteinte aux autres objectifs de la taxinomie. Ce critère sera évalué de façon qualitative et quantitative par rapport aux seuils et aux méthodologies décrites dans la taxinomie pour chaque objectif.
  • Elle respecte les droits sociaux et du travail

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En conclusion, nous pourrions dire que cette taxinomie est une innovation historique en matière comptable et financière et qu’elle constitue une source d’opportunités pour les entreprises qui investissent dans la RSE. Elle permet de valoriser et de reconnaître les critères de performance qui jusqu’à maintenant, ne comptaient pas suffisamment dans la balance pour ce qui est de la performance globale des acteurs financiers, des états et des entreprises. Même s’il s’agit d’un défi à relever, cet exercice vous permettra de déceler des potentialités insoupçonnées pour renouveler ou faire perdurer votre activité.

Auteur : Marie-Christine Aubin

Pour aller plus loin :

Questions fréquentes à l’Autorité des marchés financiers (AMF) : https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/esef/esef-vos-questions-frequentes#Questce_quESEF_

Dossier thématique de l’AMF : https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/esef

Le dossier complet de Mazars sur la taxinomie européenne https://www.mazars.fr/Accueil/Services/Transformation-durable/Integration-de-la-Taxonomie-europeenne?gclid=Cj0KCQiA1NebBhDDARIsAANiDD1akWYcyvbPunia_RqliYNfphem44jCIjeDbG5o3VYGB_ElYth6d5caAsmOEALw_wcB

La RSE, un enjeu européen https://www.strategie.gouv.fr/infographies/rse-un-enjeu-europeen

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