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Peut-on engager les GAFAM dans le Numérique Responsable ?

Les géants de la tech sont-ils prêts à jouer un rôle dans la transition vers un numérique plus responsable ?

Les GAFAM sont-ils prêts à s’engager pour un numérique plus responsable ?

 
Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) règnent en maîtres sur l’économie numérique. Les technologies de l’information et de la communication telles que nous les utilisons et les données qui en découlent sont en majorité gérées et stockées via les plateformes numériques de ces entités venues d’outre-Manche.  

Face à l’émergence de nombreuses problématiques environnementales et sociales liées au numérique, un arsenal réglementaire a vu le jour en Europe, destiné à encadrer au mieux les impacts du Numérique, auprès des entreprises comme des particuliers. En effet, bien que les gouvernements européens n’aient pas de prise directe sur les géants de la Silicon Valley, ils sont en mesure de créer un modèle alternatif fondé sur le bien-être de l’environnement et des individus. Malgré tout, les GAFAM demeurent omniprésents dans notre paysage numérique : sont-ils prêts à jouer un rôle dans la transition vers un numérique plus responsable ? Que mettent ils en place en ce sens, et est-ce suffisant ?  

L’objectif de neutralité carbone pour 2030 des géants de la tech

Malgré son image abstraite, la révolution numérique a bien un impact significatif à la fois sur l'environnement et sur les sociétés. En effet, actuellement, le secteur numérique est responsable de plus de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dépassant ainsi l'aviation civile. Son empreinte environnementale équivaut à celle de 180 millions de véhicules : la décarbonation numérique est donc en enjeu dont il est urgent de s’emparer. Face à cette réalité, Google et consorts ont annoncé en 2020 qu’ils visaient la fameuse neutralité carbone d’ici 2030 :   

  • Google souhaite spécifiquement utiliser exclusivement, à horizon 2030, des sources d'énergie renouvelable (solaire et éolienne) pour l'ensemble de ses activités, notamment pour l’apport de ses centres de données.   
  • Apple vise quant à lui la neutralité carbone pour l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement vie notamment l’optimisation de ses infrastructures et le recyclage des matériaux qui composent ses produits.  
  • Facebook de son côté se félicitait dans son rapport annuel de 2020 d’avoir déjà atteint la neutralité carbone. Une déclaration à prendre avec des pincettes, car leur analyse ne prend pas en compte tous les scopes d’émission GES.   
  • En 2019, Amazon annonçait son engagement pour la préservation de l’environnement avec son Climate Pledge, une initiative pour un horizon zéro carbone en 2040.   
  • Autre initiative, Microsoft’s Climate Innovation Fund » a vu le jour en 2020, s’engagent à investir 1 milliard de dollars dans des projets destinés à lutter contre le changement climatique.  

Un ensemble de mesures et promesses qui résonnaient à la sortie de la crise sanitaire du Covid19 avec un apparent désir de changer de paradigme.  

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Les Big 5 du secteur technologique : professionnels du greenwashing ? 

Malgré ces déclarations, les géants de la tech ont été fortement critiqués pour le manque de transparence quant aux actions concrètes entreprises et aux résultats de ces engagements. Pire, l’ONG Greenpeace assure dans un rapport qu’Amazon, Microsoft et Google continuent de vendre aux compagnies pétrolières des technologies alimentées par l’IA pour extraire toujours plus de pétrole. Derrière le flou sémantique de la neutralité carbone et de la “compensation” qu’elle implique, on peut également apercevoir une déclaration de bonnes intentions qui leur permet par la suite de poursuivre leurs activités sans réelle remise en cause de leur business model.  

Enfin, il est préoccupant de constater que ces mêmes entreprises ne prennent pas d'engagements ambitieux pour encadrer ou inciter leurs sous-traitants à adopter des mesures responsables vis-à-vis de l’environnement mais aussi éthiques en termes de droits des travailleurs.  

Dans un article sur Le Monde.fr de 2021, Vincent Courboulay (auteur du livre Vers un numérique responsable. Repensons notre dépendance aux technologies digitales) évoquait le danger :  

Le numérique est un risque, le numérique responsable est une chance. Pendant des années, les Gafam nous ont imposé un certain récit du numérique auquel nous avons tous cru.…Avec des études scientifiques, des ONG qui se saisissent de ces sujets et des premiers textes de loi qui tendent à encadrer le numérique, on se rend compte que ce discours biaisé est dangereux pour nos républiques et nos démocraties. " Vincent Courboulay, cofondateur et directeur scientifique de l’Institut du Numérique Responsable 

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DSA et DMA, la contre-attaque de l’Union Européenne en matière de souveraineté numérique 

Actuellement, entre 70 % et 80 % du trafic Internet est dirigé vers les États-Unis en raison de la localisation des données mondiales dans des centres de données majoritairement américains. Cette situation soulève une question de souveraineté pour les autres pays, en particulier les puissances européennes. Au-delà des questions d’empreinte environnementale du numérique, il s’agit bien là d’une question profondément politique pour l’Europe : celle de sa souveraineté sur les données numériques de ses citoyens et sa capacité de protection des dérives d’Internet.  Le Digital Service Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA) sont les deux fers de lance de l’Union européenne afin de limiter les abus des GAFAM et de lutter contre la désinformation et la haine en ligne via une modération accrue et des contenus et une meilleure transparence des algorithmes.  

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Repenser le numérique pour un avenir plus durable et responsable

Les acteurs dominants du numérique sont aujourd’hui davantage des freins à l’émergence d’un numérique plus responsable que des accélérateurs de transition. Cela s’explique par le concept au cœur de leur modèle : l’innovation technologique en tant que fin en soi, où le Numérique et avant là pour capitaliser sur les envies des consommateurs plutôt que de répondre aux besoins des citoyens. Malgré ses quarante ans d’existence, il n’existe toujours pas de projet politique collectif qui permette une mise en place d’un numérique responsable à grande échelle.  

On peut cependant espérer que l’avènement d’une Europe qui cloisonne efficacement son utilisation pour limiter ses effets nocifs sur l’environnement et la société permette sur le long terme d’influencer les GAFAM. Au-delà des déclarations de bonnes intentions, c’est bien la vision même des acteurs du numériques, petits comme grands, qui doit évoluer. Seulement ensuite peuvent venir les actions concrètes de mesure de l’empreinte numérique, d’analyse et d’accompagnement vers un modèle plus vertueux.  

Nous conclurons ainsi cet article par un extrait du manifeste “L’archipel des GAFAM”, de Vincent Courboulay qui fait écho à ce constat : 

 
Nous devons penser le numérique non comme un secteur économique, une utopie ou un danger, mais comme une opportunité émancipatrice globale, et le déployer dans un cadre cohérent de pensées, de politique et d’actions démocratiques. Nous devons lui donner un sens, une trajectoire, des missions et des valeurs.Vincent Courboulay, cofondateur et directeur scientifique de l’Institut du Numérique Responsable

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